mardi 7 janvier 2014

Etes-vous un hyperparents?


Texte de Nadine Deschenaux et de Yoopa

Et si on était tous un peu, à nos heures, des hyperparents? 
Portrait d'un nouveau phénomène bien présent, mais dont on parle peu. 
 
Vous achetez uniquement des jouets éducatifs? Vous endossez le rôle de chauffeur de taxi chaque soir pour promener vos enfants d’un cours de karaté à un cours de piano? Vous souhaitez offrir un cellulaire à votre fille de sept ans au cas où elle aurait à vous poser une question? Bienvenue dans l’univers des hyperparents!
Parents extrêmes 

Certains parents surinvestissent la vie de leurs enfants. Aveuglés par l'esprit de performance ambiant dans la société, animés par le désir d'offrir les meilleures chances possible à leurs enfants, et souvent angoissés par l'abondance d'informations souvent contradictoires sur l'art d'élever un enfant, ils tombent parfois, bien malgré eux, dans l'excès.

«Hyperparent» est un terme apparu dans la littérature anglophone au début des années 2000. Dans son livre Manifeste pour une enfance heureuse (Marabout, 2008), Carl Honoré met les personnes qui ont des enfants en garde contre le courant de «parents qui en font trop».
Les intentions de l’hyperparent sont nobles: il souhaite outiller son enfant pour le préparer à une société compétitive et le protéger contre des dangers éventuels. Dans les faits, ce type de parentage excessif a des répercussions négatives sur le jeune.
Le phénomène existe depuis 30 ans, mais il a gagné en popularité et en intensité au cours des dernières années. Cette tendance mondiale semble surtout présente dans les pays industrialisés, au sein de familles de classe moyenne.

Le phénomène des hyperparents est observable depuis une vingtaine d'années dans les familles occidentales et orientales évoluant dans des sociétés où la compétition et la performance sont des valeurs prisées. Myriam Jézéquel, auteur du livre Ces enfants déstabilisés par l'hyperparentalité, a scruté cette tendance pour en définir certaines particularités.

Selon elle, l'hyperparentalité vient du fait que beaucoup croient qu'être parent, ça s'apprend avec des livres, des émissions de télé, des cours, etc. Pour eux, il faut être un parent expert, rien de moins, pour donner le maximum de chances à ses enfants. Rapidement, ces parents entrent dans la spirale de la performance, qui est largement appuyée par la multitude d'informations qu'on retrouve sur l'art d'être un bon parent et comment bien stimuler son enfant à tous les âges. Ce sont aussi, souvent, des parents très anxieux qui tolèrent mal les erreurs et veulent à tout prix réussir leur rôle de parent. Du coup, ils comblent des lacunes de leur confiance en suivant à la lettre les diktats à la mode de la société.

Les hyperparents tiennent leurs enfants à l'abri de tous les dangers, font souvent les choses à leur place pour éviter les erreurs - et la potentielle frustration qui va avec! -, les éveillent et les stimulent dès leurs premiers mois de vie par peur qu'ils ne ratent des chances de réussite, surveillent leur parcours scolaire, multiplient les cours et les activités parascolaires, contrôlent leurs amitiés, évaluent constamment leur développement (et le comparent avec celui des autres enfants), les couvent outrageusement d'attentions affectives et surprotègent constamment. Aussi, chez les hyperparents, les temps libres n'existent pas. Dans leur agenda, tout est «booké». Plus on court, mieux c'est perçu. «Souvent, le temps libre peut être vu comme étant non productif. Pourtant, avoir trop d'activités peut aussi être nocif. L'épuisement guette ces familles et particulièrement les enfants», note Catherine Cloutier, psychologue.

L'hyperparentalité part très souvent d'un noble désir et d'une bonne volonté. Les parents veulent le bien de leurs enfants, désirent qu'ils s'épanouissent et leur assurent sécurité et protection. «Bien sûr qu'il vaut mieux un parent qui protège son enfant qu'un autre qui le néglige, mais il reste que le surprotéger n'est pas la solution. Les extrêmes sont à éviter. Surprotéger notre enfant lui envoie le message qu'il n'est pas capable de faire des choses par lui-même. On ne peut pas passer notre vie à le mettre à l'abri des échecs, ce n'est pas plus profitable pour lui», estime Catherine Cloutier.


Selon Hélène Boissonneault, une intervenante en petite enfance, les hyperparents ne sont pas de superparents que l’on doit citer en exemple: «Ce sont des G.O., des amis, des confidents, des entraîneurs, ça oui. Mais des parents modèles? Sûrement pas!»
Mme Boissonneault nous rappelle que, pour devenir un adulte autonome, l’enfant a besoin que son estime de soi s’épanouisse. Le parent qui va toujours au-devant des coups empêche l’acquisition de cette estime et rend son enfant dépendant. «En éloignant les dangers, on croit bien faire, mais on dit aux jeunes qu’ils sont incapables de quoi que ce soit par eux-mêmes», explique-t-elle.
Plusieurs facteurs sociaux ont contribué à la naissance des hyperparents, à commencer par le taux de natalité, à la baisse. «On fait moins de bébés, alors les attentes des parents concernant chaque enfant sont plus grandes», explique Carl Honoré.
Plusieurs familles ont maintenant deux salaires; le budget qu’elles peuvent consacrer à chacun de leurs enfants pour les activités parascolaires est donc plus substantiel. L’âge auquel on devient père ou mère dans les années 2010 influence également le phénomène, selon M. Honoré: «Plusieurs deviennent parents dans la trentaine, après de nombreuses années passées sur le marché du travail, et le rôle de parent est affecté par la sphère professionnelle.» Autrement dit, on gère ses rejetons comme des employés de qui on attend rentabilité et performance.

Comment s’en sortir?

Tous les experts interrogés sont unanimes sur un point: il est possible de renverser la vapeur. «Admettre qu’on est un hyperparent est le premier pas à franchir», dit Hélène. Ensuite, on doit revoir sa liste de priorités et déterminer ce qui est vraiment essentiel à son bonheur et à celui de sa progéniture. «On devrait se limiter à un seul cours parascolaire par enfant.»
Pour relâcher la surveillance et permettre aux enfants de gagner en autonomie, on doit impliquer ceux-ci dans la vie familiale: dans le ménage, la confection des repas, la promenade journalière avec Fido, etc.
«L’important, c’est de ne pas intervenir dans le processus», met en garde Mme Boissonneault. Les vêtements ne seront sûrement pas pliés comme on a l’habitude de le faire soi-même, mais il faut laisser l’enfant s’y prendre à sa manière, expérimenter, se tromper. Pour sa part, Carl Honoré nous invite à découvrir le slow parenting: «L’enfant doit réapprendre à jouer seul et à s’ennuyer. C’est un excellent moteur de la créativité.» On gagnerait aussi à planifier du temps libre pour toute la famille.

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